Tribune  —  06 avril 2022

Face à l’inflation, booster votre « valeur perçue » grâce au marketing

Damien Schoennahl

Mi-mars la Banque Centrale Européenne, a remonté ses prévisions d’inflation à +5,1% pour l’année 2022 (Reuters) et celle-ci devrait être durable. L’organisme prévoit également désormais une inflation à +2,1% pour 2023 et +1,9% pour 2024 contre un standard initialement prévu à +1,8%. Le tout, conjugué à des prévisions de croissance revues légèrement à la baisse. Ce n’est, en réalité, probablement qu’une étape face à l’incertitude des prochains mois. 

Après la désorganisation des chaînes de production liée à la pandémie de Covid, qui a entraîné des raréfactions de ressources et matières premières, et donc des hausses de prix ; les prix de l’énergie, déjà initialement en inflation, vont être sérieusement et durablement impactés par le conflit Russo-Ukrainien. Autant dire que de l’alimentation à l’industrie high-tech, très peu de secteurs industriels ou de services, qu’ils soient BtoB ou BtoC, seront épargnés par une nécessaire hausse des prix pratiqués pour les mois, probablement années, à venir.

Coût ou différenciation ?

Les coûts de production ou de servuction vont donc augmenter, et à moins d’accepter de perdre de l’argent en sacrifiant totalement votre captation de valeur, cela aura nécessairement une répercussion durable sur les prix pratiqués pour vos clients. Si vous aviez une stratégie de domination par les coûts, c’est mal parti pour la maintenir en l’état ; mais une crise reste une opportunité pour gagner quelques parts de marché si vous maîtrisez vos coûts malgré tout.

Si vous aviez jusque-là une stratégie de différenciation, il va falloir aller encore plus loin pour justifier la différence de prix qui risque, en effet de levier, d’être encore plus forte pour vos produits et services. Il apparaît évidemment difficile d’imaginer revoir complètement sa stratégie ou ses processus, pour passer d’une stratégie de différenciation à une stratégie de coût en très peu de temps. Vous risquez de vous retrouver dans le « ventre mou » de votre marché, « ni le moins cher, ni le meilleur »… Autant dire une position fatale pour vos ventes.

Pour ne pas décrocher entre un prix que vous allez devoir pratiquer et un prix que vont être prêts à payer vos clients pour vos produits et services, il va donc falloir rapidement augmenter la « valeur perçue » par vos clients. Le risque pour vous étant, en effet, dans une situation se tendant, de perdre des parts de marché au profit d’acteurs qui, eux, réussiront à se positionner de manière plus compétitive sur les prix. Bref, il semblerait que vous n’ayez pas vraiment le choix.

Valeur perçue

Augmenter rapidement la valeur perçue en travaillant votre marketing.

Nombreux sont les leviers tangibles ou intangibles que vous pouvez actionner pour augmenter la valeur perçue de votre offre par vos clients. En voici quelques-uns qui vous permettront de le faire plus ou moins rapidement.

Les qualités fonctionnelles

Ce n’est probablement pas la plus évidente, mais si vous pouvez ajouter des fonctionnalités rapidement et sans que les coûts n’explosent, c’est certainement le moment de le faire. Si les coûts supplémentaires induits sont marginaux, vous pouvez aussi augmenter légèrement les quantités de produit pour sortir des standards pratiqués par la concurrence.

Les compléments

Vous pouvez ajouter des accessoires à l’utilisation du produit autrefois fournis ou vendus séparément. Mettre en place des bundles attractifs face à la concurrence. Pour les services vous pouvez, par exemple, étudier d’étendre une période de garantie initiale ou offrir une livraison.

Services périphériques

On ne le dira jamais assez, le digital est un formidable terrain de jeu pour enrichir votre proposition de valeur pour vos prospects et clients. Peuvent ainsi être mis en place rapidement : service client en ligne enrichi, contenus conseils, contenus divertissants, produits ou services complémentaires à commander en ligne, programmes de fidélité, etc. C’est probablement à ce niveau que l’effet le plus important et le plus rapide peut être produit.

La Marque

La marque reste un repère déterminant dans les choix des consommateurs et clients, qu’ils soient BtoC ou BtoB, même en période d’inflation. C’est donc le moment de retravailler sa notoriété par une visibilité accrue, organique et payante. Sur l’achat de visibilité média, étant donné que la croissance sera moins forte que prévue, vous devriez potentiellement avoir des opportunités sur les prix pratiqués qui, eux, ne seront que peu impactés par l’inflation. Mais c’est également le moment de travailler son image et son attractivité pour vos prospects et clients.

Valeurs et engagements

Une stratégie d’engagements sociaux ou environnementaux de marque ne s’improvise pas. Mais si vous en avez une et que vous étiez timides jusqu’à présent pour le dire, c’est le moment de le clamer haut et fort. Une partie de votre cible, probablement celle qui est d’ailleurs la plus portée sur la différenciation, continuera d’y être sensible et d’y accorder de la valeur. N’oubliez pas que l’origine d’un produit, comme le Made In France par exemple, est encore davantage un critère important pour justifier de votre valeur.

Marque employeur, la « proposition de valeur employé » aussi concernée.

Tout comme celle de vos produits ou services, votre proposition de valeur pour vos employés (EVP) va également être mise à contribution par cette inflation. Spécialement auprès des profils les plus juniors et encore davantage lorsque ceux-ci sont qualifiés. Le chômage avait déjà amorcé sa décrue au dernier trimestre de l’année 2021 sur cette population ; mais sur un marché déjà tendu (vieillissement de la population, quête de sens…) ce sont des profils couramment moins rémunérés et donc plus vulnérables à l’inflation. Ils devraient chercher à maximiser rapidement leurs revenus pour maintenir ou rehausser leur pouvoir d’achat, et n’hésiteront pas à bouger en cas d’offre concurrente intéressante. Surtout que, la plupart des entreprises prêtes à les débaucher, tableront probablement sur le fait de récupérer les hausses de masse salariale des plus jeunes sur les effets de hausse des prix. Il faut donc aussi travailler votre « marketing employeur » de la même manière que pour vos produits ou services si vous ne voulez pas souffrir sur ce point et rentrer uniquement dans une dimension transactionnelle.

Que ce soit sur vos produits et services ou votre marque employeur, toute crise ou situation reste, plus que jamais, une opportunité d’accélérer des changements positifs de création de valeur qui eux, pourront rester durables au-delà des crises.