Tribune  —  03 mai 2021

Le Made in France : un outil de création de valeurs ?

Eric Bonnet

« Agissons avec force mais retenons cela : le jour d’après, quand nous aurons gagné, ce ne sera pas un retour au jour d’avant », cette phrase prononcée par le président Emmanuel Macron le 16 mars 2020 résonne encore dans ma tête et dans nos esprits.

La crise vécue mettait en lumière notre dépendance à des produits de première nécessité ou à des produits dont on ne pensait pas avoir besoin rapidement. 

Lorsque « le mieux produire », « le mieux consommer », deviennent des enjeux majeurs dans le secteur de l’alimentaire et que les émotions, le plaisir, la communication autour des produits, de la gastronomie, de la distribution doivent traduire « la vraie vie », il convient de se poser sur le Made in France.

Un concept clair ou un label facile à décoder ?

La mention « Made in France » suppose que la dernière opération de production, par exemple, l’assemblage, soit réalisée sur le territoire français. 

Pour utiliser « Origine France Garantie », une entreprise doit prouver que deux critères cumulatifs sont respectés :

  • Moins de 50 % du prix de revient unitaire du produit est acquis en France, ce qui signifie qu’au moins la moitié de ce qui a été dépensé pour sa fabrication concerne le territoire français : matières premières, main-d’œuvre, locaux industriels etc. 
  • Le second critère commande que le produit prenne ses  « caractéristiques essentielles » en France, autrement dit que l’essentiel de ses transformations soient réalisées dans le pays.

Autant vous dire que j’ai perdu tout le monde dès la lecture de ses 2 phrases.

Si pendant des années, le flou profitait aux entreprises, ce n’est plus le cas aujourd’hui car la clarification devient un enjeu de sortie de crise économique.

Dans l’alimentation, les certifications abondent avec les AOP et AOC (appellation d’origine protégée et contrôlée) : elles sont apposées lorsque toutes les étapes de production sont réalisées selon un savoir-faire reconnu et dans une même aire géographique. Parmi les labels sectoriels les plus connus, « Le porc français » a été créé par les professionnels. Il permet d’attester que la viande est issue d’animaux élevés, abattus, découpés et transformés en France. Un exemple imité par les horticulteurs avec le label « Fleurs de France » en 2017.

S’y ajoutent des labels régionaux (« Produit en Bretagne », « Saveurs en’Or » pour les Hauts-de-France), avec des cahiers des charges variables qui ne garantissent pas forcément la provenance des ingrédients, même si le produit est finalisé dans la région concernée. Est-ce en fait plus clair?

Une clarification qui va prendre du temps ?

Il est évident que si tout le monde se regarde (gouvernement, associations de consommateurs, fédérations professionnelles…) mais n’agit pas, le consommateur, lui, via les réseaux sociaux, fera son propre tri, à tort ou à raison, et au risque de briser un élan légitime.

Chaque entreprise doit réfléchir à la bonne utilisation du drapeau français, à l’utilisation d’un label, voire en proposer un très clair, très signifiant. 

Un phénomène unique aux grandes villes ?

Cette question, je l’ai souvent entendue … Les résultats de notre étude réalisée avec OpinionWay montrent que quelles que soient les régions de France, les revenus de 9000 à 60000 euros annuels se sentent concernés.

Encore une étude avec des intentions, mais dans la vraie vie … ?

Vous allez me dire « parole, parole, parole »…

2 français sur 3 déclarent qu’ils sont capables d’acheter à 8,10€ un burger  initialement à 5€ si on lui montre qu’il est composé à 100% d’ingrédients français. 

Il en est de même pour un tee-shirt à 27,60 € initialement à 20 €. 

Simples intentions ? 69% des entreprises interrogées voient une accélération de leur chiffre d’affaires liée au Made in France.

Le Made in France des années 2020 est-il celui des années 2010 ?

Entreprises et Consommateurs sont-ils en symbiose ?

Nous observons un décalage.

Le consommateur voit dans le Made In France, un outil de « patriotisme économique », et une arme de mise en avant du « local ». C’est cela le Made in France des années 2020.

Quant aux entreprises, elles sont sur celui des années 2010 : Qualité et Savoir-Faire.

La quête de la vérité

En ces temps de crise sanitaire, de plus en plus d’entreprises prennent conscience que mettre en avant l’origine française de leur production les distingue aux yeux des consommateurs. 

Mais les consommateurs, les journalistes seront les juges de la véracité…

Ce phénomène a déjà commencé. Elise L….t sort de ce corps.

Nous observons ainsi que le Made In France devient un enjeu de stratégie et de communication.