Tribune  —  15 mars 2023

Comment l’évolution de la place du patient dans le système de soin impacte-t-elle la communication santé ?

Jean-Philippe Martzel

Si la santé est l’une des préoccupations majeures des Français depuis longtemps, la place accordée au patient dans le système de santé a considérablement évolué. Il est devenu un acteur à part entière d’un système au sein duquel il a conquis un nouveau statut au point d’en chambouler l’organisation et les codes de communication. Explications.

Par Gézabelle Hauray, co-fondatrice de l’agence 37.2 et Jean-Philippe Martzel, Directeur des stratégies d’Insign 

La communication, un levier de l’action en santé 

On a tous à l’esprit le préservatif géant installé par l’association Act-up sur l'obélisque de la Concorde le 1er décembre 1993 à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le VIH/Sida. Ce type d’action militante, combinée à la forte digitalisation de la société ces dernières années (notamment depuis la crise sanitaire) ont contribué à faire passer le patient d’une posture passive à une posture active par rapport à la santé, chamboulant par là même les modalités de la communication santé.

Et à juste titre, avec un nombre d'applications en santé qui a augmenté de manière impressionnante, passant de 100 000 en 2016 à plus de 350 000 en 2020, il n’est plus possible de s’adresser de la même manière au patient. Car il est devenu acteur de sa propre santé.

Le patient, nouveau “héro” de la communication des acteurs de la santé 

Cette autonomisation acquise grâce l’action militante des associations dans les années 90 à l’évolution récente de la technologie est un “game changer” qui impacte l’ensemble des interactions entre patients et soignants. Cette évolution touche également la communication des “grands” émetteurs de communication santé et en premier lieu celle des laboratoires pharmaceutiques. L’évolution de la représentation du “malade” en tant que personne est patente.

Les exemples sont nombreux, mais le dernier film publicitaire à l’occasion des 100 ans des laboratoires danois Novo Nordisk (spécialisés dans les traitements contre le diabète, l’hémophilie, les troubles de la croissance et l'obésité) témoigne de cette évolution tant par le niveau qualitatif de la production audiovisuelle (nous sommes très loin du "stock-images"), que par la mécanique créative utilisée par les marques de la grand consommation. La représentation de la personne malade assumée, exprimée de façon non-documentaire mais néanmoins réaliste est un des faits marquants de ce film.

Au-delà du statut “de marque” auquel aspire vraisemblablement Novo Nordisk avec ce film publicitaire, c’est le statut du patient qui se trouve ainsi valorisé au même titre que celui des professionnels de santé dans les films publicitaires récents de distributeurs comme Intermarché ou de certaines mutuelles.
 

Les acteurs publics au coeur de ce changement de paradigme

En fait, l’avant-garde de cette révolution qualitative de la représentation du patient a surtout été menée par les acteurs publics et “para-publics” de santé (Santé publique France, INCa…) qui depuis plusieurs années ont investi dans le champ de la représentation du patient et n’ont pas hésité à mobiliser le meilleur des expertises marketing et communication pour assurer la performance de campagnes destinées à agir sur les comportements. 


Avec l’idée que ”On gagne tous les jours à s’intéresser à la santé”, la première campagne grand public de l’Inserm s’est par exemple inscrite en rupture avec le ton académique attendu dans ce type de communication. Elle prend le parti de rationaliser la terminologie scientifique de manière ludique pour renforcer sa proximité avec la réalité quotidienne. 

Oui, au-delà de l’exemple de Novo Nordisk, c’est bien le “secteur public” qui en France paraît plus en avance sur les acteurs privés de la santé dans la compréhension de l’évolution de la société et du nouveau statut de “héro” du patient dans la communication. Gageons dès lors que cette posture deviendra aussi la norme chez les acteurs privés et que nous ne sommes qu'aux prémices de cette nouvelle communication des patients-héros.