Le projet du Grand Paris Express, modestement, prétend offrir sa contribution à la construction d’une alliance vertueuse des contraires, d’un mieux-vivre ensemble, dans un avenir pas si lointain, 2030. Paradoxalement, les 200 kilomètres de voies ferrées et les 68 gares en train de sortir de terre vont remodeler le temps aussi bien que l’espace. Les quatre lignes supplémentaires et l’extension de la ligne 14 vont permettre à 90% des Franciliens d’avoir une gare à moins de 2 km de chez eux, donc à portée de vélo ou d’une bonne marche printanière. Cette mobilité renforcée est un immense rééquilibrage dans une métropole trop corsetée : équilibre vie personnelle/vie professionnelle, alors qu’un Francilien passe près d’une heure par jours dans les transports ; équilibre dans la répartition de la population et des emplois, alors que Paris est une des villes les plus denses du monde, coupée de sa périphérie ; équilibre des flux de transports, alors que déjà 70% des déplacements franciliens ne passent pas par Paris. C’est un nouveau brassage urbain, qui viendra soigner le vieux contentieux, social, économique et politique, entre Paris et ses faubourgs.
Tout et son contraire : le citadin est un amoureux de la nature et du grand air. Il considère d’un œil suspicieux le chantier du Grand Paris. N’est-il pas encore un grand projet inutile, polluant et coûteux ? Rassurons-le : le béton fibré utilisé pour les chantiers est le moins polluant qui soit, les 47 millions de tonnes de déblais sont acheminées par train ou barges pour valorisation ou recyclage. Comme pour l’empreinte carbone d’une voiture électrique, les gains de CO2 ne seront pas immédiats, mais 20 ans après sa mise en service, le réseau permettra d’éviter chaque année près d’un million de tonnes de CO2. Dès aujourd’hui, des mesures d’évitement, de réduction et de compensation sont mises en œuvre dans toute la région. Enfin le Grand Paris reliera le Grand Parisien à la nature, lui faisant oublier que Paris est toujours une des villes les plus minérales qui soient, avec les conséquences que l’on sait sur l’impact des canicules.
Un nouveau réseau de transport, c’est aussi une meilleure qualité de vie : des gares et des trains offrant une parfaite accessibilité aux personnes en situation de handicap, aux parents avec poussettes, aux personnes fragiles, aux seniors. C’est aussi une meilleure qualité de l’air en surface grâce à la diminution du trafic automobile, mais aussi en souterrain, avec des matériels qui n’émettent plus de particules fines. L’impact social n’est pas négligeable, puisqu’autour des gares se construisent près de 70 000 logements, dont un tiers de logements sociaux. Ces logements, souvent conçus en écoquartiers, permettent de lutter contre l’étalement urbain et l’artificialisation des sols.
L’Ile-de-France, déjà dotée d’un des réseaux ferrés les plus denses du monde, doit continuer à s’affirmer comme une grande utopie citadine. Première région touristique du monde, elle présente encore des incohérences en matière de répartition des richesses et des opportunités, avec des centres commerciaux, des grandes écoles, des universités, des espaces naturels inaccessibles en dehors du non-sens qu’est la voiture individuelle, qu’elle soit thermique ou électrique. Le nouvel espace-temps urbain du Grand Paris Express offrira des scénarios de vie libérateurs, comme tous les grands projets d’urbanisme parisien, de Haussmann à Delouvrier, ont pu en offrir aux Parisiens, aux banlieusards, aux provinciaux, aux immigrés, aux étudiants, aux touristes, aux hommes d’affaires. A tous ceux qui veulent tout et son contraire.