Tribune  —  05 juillet 2023

Laissez tomber la "marque employeur", concentrez-vous sur votre business model RH.

Damien Schoennahl

Avoir une ressource humaine disponible, de qualité et engagée pour délivrer ses produits et services à ses clients, et donc de la valeur et des résultats financiers, n’est plus seulement un sujet de « politique RH » mais de stratégie d’entreprise. Ce n’est plus seulement un sujet de manager ou de DRH, c’est devenu, aussi et surtout, un sujet de dirigeante et dirigeant. À ce titre, celà mérite plus que jamais de se pencher sur le fond.

En 2022, un étude Gartner soulignait que le top 3 des préoccupations des salariés australiens dans leur choix de rester dans une entreprise étaient :

  1. l’équilibre vie professionnelle vie privée
  2. la qualité du management de proximité
  3. la rémunération

Mais les résultats de priorités de cette étude étaient contredits par une autre étude PwC sur la même population la même année… Tout le monde s’accorda, finalement, sur le fait que les disparités étaient importantes en fonction du secteur d’activité ou du profil des collaborateurs (âge, niveau de diplôme, moment de carrière ou de vie personnelle, etc.).

Cet exemple est intéressant parce qu’au-delà de la nécessité de faire le tri dans les chiffres que l’on publie à tout va, il pose la question de l’alignement entre la proposition de valeur d’une entreprise et les préoccupations de sa cible spécifique, sûrement différentes de celle de l’entreprise voisine. Il pousse ainsi les entreprises à se questionner voire même à revoir leur propositions de valeur employé.

Marque Employeur contre « EVP »

Beaucoup d’entreprises et d’institutions résument la question du recrutement, de la fidélisation et de la mobilisation de leur capital humain à travers le terme « marque employeur ». Ce qui revient, en réalité, à résumer le sujet à de la communication de recrutement ou d’engagement interne. Nous lui préférons le terme anglo-saxon « Employee Value Proposition », ou « Proposition de Valeur Employé », et ceci pour trois raisons.

  • La première, c’est que la « proposition de valeur » est un acte stratégique. Elle se concentre sur le fond, l’offre et la valeur, plutôt que sur la forme, comme pourrait le suggérer l’utilisation du terme “marque”.
  • La seconde, c’est qu’elle est centrée sur l’employé. Et au regard du déséquilibre constaté dans la relation employeur/collaborateur, il est essentiel de changer de perspective.
  • La troisième, c’est que le terme « proposition de valeur», remet le sujet au cœur du « business model » de l’entreprise, comme c’est le cas pour une « proposition de valeur » client. Incitant ainsi à envisager l’ensemble des éléments qui la compose de manière systémique (sources de revenus, sources de coûts, éléments clés, flux attendus, etc.)

Mettre à plat son Business Model RH

S’inspirant du « Business Model Canvas » proposé par Alex Osterwalder il y a quelques années déjà, et aujourd’hui largement utilisé pour concevoir les business modèles d’entreprises centrés sur la proposition de valeur client, nous proposons désormais ici un « Canevas de Business Model RH » adapté en s’inspirant des différentes études et travaux sur les motivations extrinsèques et intrinsèques des collaborateurs en entreprise.

Ce canevas permet de mettre à plat les différents éléments de son « business modèle RH » et d’en vérifier la cohérence. Il doit être établi avec l’ensemble des parties prenantes : équipes ressources humaines, managers, dirigeants, etc.
Au centre, la proposition de valeur employé et la raison d’être de l’entreprise.
On y positionne ainsi côté cible et attendus :

  •  Les segments cible RH clés : profils, niveau de qualification, localisation, etc.
  • La qualité de vie au travail : temps de travail, environnement, etc.
  • La dimension relationnelle : quels sont les systèmes de participation à la vie de l’entreprise, de transparence, de communication d’engagement interne
  • Le développement individuel : de l'onboarding à l’évolution professionnelle, les moyens investis (temps, budget) sur la formation
  • Les compétences métiers, comportements et valeurs clés attendues chez les collaborateurs

Côté système et ressources disponibles on trouvera :

  • Le système d’emploi : quelle part de CDI, CDD, travailleurs temporaires, freelances, fonctionnement de travail, etc.
  • Le système managérial : quelle est la “signature”, le style managérial interne, quels sont les attendus, rituels clés et engagements concrets des managers vis-à-vis de leurs équipes.
  • Les partenaires clés utilisés pour le recrutement, la formation, la fidélisation
  • Le système de compensation direct et indirect en place, et sa structure.

Cette étape essentielle permet de prioriser, faire des choix stratégiques et alignés entre dirigeants. Mais elle permet souvent de réaliser, qu’en réalité beaucoup de choses sont déjà en place et qu’il suffit simplement de les renforcer ou de les mettre davantage en avant.

Aligner son Business Model RH avec les collaborateurs

Comme pour des clients, on peut souvent avoir une vision biaisée, en tant que dirigeant ou manager, de ce que veulent vraiment les collaborateurs.

Une fois la mise à plat du business model RH effectuée en équipe, il est temps de le confronter à la réalité de la perception et de l’importance de chaque élément pour les collaborateurs de votre entreprise.

Pour ce faire, vous pouvez mener des études quantitatives ou qualitatives internes en demandant d’appliquer un système de scoring pour chaque élément. Ceci vous permettra de définir plus précisément quels éléments sont les plus critiques et sur lesquels investir ou désinvestir.

Enfin, et seulement après avoir aligné votre business model RH, vous pouvez vous poser la question de votre communication en tant qu’employeur. À savoir, comment communiquer durablement en interne et en externe sur cette proposition de valeur employé et ses éléments pour faire la différence dans un marché de l’emploi qui n’a jamais été aussi bataillé.