Peut-on comparer les indicateurs du Mix POE entre eux ?
L’étude « Media Performance Global POE » d’Havas Media a, depuis maintenant 4 ans, pour but d’analyser la « perception des consommateurs de leur exposition aux marques » et la provenance de ces contacts répartis dans le fameux Mix Media Paid — Owned — Earned.
Paid pour la publicité payante (digitale ou non), Owned pour l’ensemble des supports possédés et gérés par la marque (site internet, point de vente, magazine, newsletter, …) et Earned pour l’ensemble des “citations” (négatives ou positives) gagnées par la marque (retombées presse, citation blogs, bouche à oreille,…).
A travers cette étude, Havas Media (dont le modèle économique est directement indexé sur le montant d’achat d’espace publicitaire payant de ses clients) nous explique qu’au global, en 2014, 54% des contacts des marques avec les consommateurs proviennent du Paid media (contre 60% en 2010).
Sans surprise donc : faire de l’achat d’espace payant resterait vital pour la visibilité des marques…
Cette étude, a l’immense mérite de contribuer à faire prendre conscience aux annonceurs de l’existence des autres éléments de leur visibilité en dehors de la publicité. C’est d’ailleurs étonnant, et en même temps fondateur et révélateur des mutations actuelles, de voir une agence média de référence ne plus s’intéresser seulement à l’audience des médias, mais à celle des marques. Cependant, cette étude présente le risque de suggérer aux annonceurs que la mesure de la performance marketing peut se faire via l’analyse consolidée du nombre de contacts répartis dans le Mix POE… Et ceci, sans en analyser le contenu et la qualité.
Peut-on, en effet, comparer le contact de quelques secondes d’un piéton avec une affiche 4x3 dans la rue d’un côté, et la visite d’un magasin de la marque pendant plusieurs minutes de l’autre ? C’est pourtant ce que peut suggérer la méthodologie de cette étude en consolidant les performances du Mix POE.
C’est encore plus flagrant si on se concentre sur le digital : peut-on mettre sur le même plan qualitatif la vue d’une bannière de quelques secondes et la lecture approfondie d’un article sur le site de la marque ? (Surtout si cette visite a pour origine une recherche Google générique ne portant pas sur le nom de la marque).
Faut-il comparer les temps d’exposition ?
Les marketeurs étant friands d’indices de pression média, pour corriger cet effet, on pourrait être tentés de valoriser le temps d’exposition à la marque. Une minute de lecture d’un article sur Internet équivaudrait par exemple à 2 spots radio de 30 secondes entendus. Pas convaincant non plus sur le plan qualitatif…
En effet peut-on, en se concentrant par exemple uniquement sur le digital, comparer qualitativement la lecture d’un article écrit par la marque elle-même sur son site avec la lecture de l’avis d’un internaute influent sur son blog ? Difficilement comparable…
Faut-il d’ailleurs valoriser le nombre de visites d’un site en le multipliant par la durée moyenne des visites pour obtenir une puissance d’audience globale ? Faut-il calculer un taux d’exposition de la marque sur les médias sociaux en multipliant le nombre de fans par le nombre de posts affichés par la marque pour valoriser ces éléments en équivalent d’achat d’espace ? Nous voyons bien les limites de l’exercice…
La fin de la consolidation pour la mesure des évolutions.
Savoir si l’on recherche davantage de la puissance d’audience pour sa marque que de la qualité de contact, si une recommandation est plus importante qu’une publicité vue, dépend de beaucoup de paramètres qui sont propres à chaque secteur, marque et contexte stratégique.
C’est en se fixant d’abord ses propres objectifs (attention et notoriété, pédagogie, relation, engagement, inscription, vente en ligne…) que l’on peut établir ses propres indicateurs de performance. Chaque tableau d’indicateurs de performance doit donc être construit en fonction de la stratégie de l’entreprise et des objectifs fixés.
Devant le fait que les différents éléments du Mix POE digital ne sont pas comparables, il est préférable de suivre l’évolution de ceux-ci indépendamment les uns des autres. Par exemple, si le Paid augmente, c’est probablement parce que le budget publicité a augmenté, ou est dépensé de manière plus efficace et impactante. Par contre, si le « Earned » media digital « positif » de la marque augmente, c’est qu’à priori, la marque progresse sur la qualité de la production de ses contenus digitaux, leur exportation et son influence digitale globale.
Nous le voyons bien ici, le Mix POE ne peut pas être un outil de mesure de performance consolidé, de part la protéiformité quantitative et qualitative des éléments le composant.
Le Mix POE digital reste, avant tout et seulement, un excellent outil pour cartographier les différents éléments de son écosystème et suivre l’évolution de la performance de ceux-ci (Quels supports ai-je à ma disposition ? Qu’ai-je construit ? A quels sujets s’intéressent mes publics ? Sur quels relais puis-je compter ? Comment articuler tous ces éléments ?).
C’est également, pour les professionnels du marketing et de la communication, un excellent moyen de faire prendre conscience à leurs dirigeants que la visibilité digitale d’une marque se fait également sur les blogs, forums, sites de news et réseaux sociaux et que, ce « earned media » (digital notamment) mérite également toute leur attention.