Tribune  —  23 mai 2022

WEB3 : Les règles ont changé

David Mossaz
Retour en 10 points sur une révolution pour les marques

Le Web3, tout le monde en parle. Pourtant, rares sont les marques qui osent s’y aventurer. Si quelques-unes se sont lancées, beaucoup préfèrent encore observer. On les comprend : par rapport au Web2, le Web3 est un changement de paradigme complet qui implique de modifier son approche, ses outils, son état d’esprit, bref toute sa façon de faire du marketing et de toucher ses publics. Pas question pour autant de renoncer ! Voici nos 10 règles d’or pour explorer sereinement ce nouvel univers.

Si vous avez raté le début : c’est quoi le “Web3” ?

Avant tout, revenons rapidement sur les fondamentaux du Web 3.0. Celui-ci émerge à côté du web dit « 2.0 », le web « social » qui a vu l’avènement des réseaux sociaux. Va-t-il le remplacer ? La question est ouverte ! Toujours est-il que le Web3 poursuit dans cette direction sociale, mais promet de rendre aux internautes leur indépendance grâce à des écosystèmes décentralisés. Dans ces derniers la donnée reste la propriété de l’utilisateur, à l’inverse du modèle construit (et proné) par les plateformes Web2, GAFAM en tête.

Concrètement, cette nouvelle itération du web repose sur les blockchains. Pour simplifier, on peut dire que la mise à jour des données est effectuée simultanément par tous les ordinateurs de la communauté qui composent cette blockchain. En conséquence, l’information est à jour instantanément, partout en même temps. Elle est vérifiable par chacun en temps réel et infalsifiable. Cette technologie permet la création (minage) de tokens : cryptomonnaies (Bitcoin, Ethereum…) ou encore les fameux NFT, actifs numériques intangibles…

Mais quel rapport avec les métavers, ces mondes 3D multi-users venus de l’univers du gaming ? Certains d’entre eux (les plus récents) sont précisément construits sur une blockchain. Par conséquent, ils permettent de “tokeniser” (transformer en NFT) les artefacts 3D qui le composent (terrains, wearables, skins, pouvoirs…) et d’utiliser de la cryptomonnaie pour les échanges.

Côté marques, c’est le luxe qui a été le premier à dégainer. Certaines maisons misent sur les métavers pour proposer des expériences ludiques et immersives. D’autres préfèrent “droper” des collections de NFT, à l’image de Gucci : en début d’année, la maison italienne a notamment mis en vente une série d' art toys issus d’une collaboration. La subtilité ? Elle proposait d’acquérir la double propriété numérique et physique des œuvres.

10 règles d’or pour adopter le bon mindset et réussir vos projets

   1. Oubliez le ciblage marketing direct-to-consumer

Oui, le modèle des GAFAM, basé sur l’ivresse de la data, l’hyperciblage de profils affinitaires et le contrôle des coûts d’acquisition est confortable pour les marques. Non, elles ne pourront plus l’utiliser en Web3 : impossible en effet de savoir qui se cache réellement derrière un actif digital (NFT ou cryptomonnaie) ou un avatar dans un métavers. Elles pourront cibler un avatar/wallet, mais sans certitude sur la personne cachée derrière en termes d’identité, de comportements ou de centres d’intérêt…

   2. Placez la communauté au centre

Vous ne pouvez pas cibler spécifiquement des individus ? Qu’à cela ne tienne, reportez votre choix plus largement sur les communautés avec lesquelles vous interagissez. Cela en fonction à la fois de votre ADN de marque et du type de projet que vous souhaitez proposer. L’idée est de fédérer autour d’une promesse forte, dans laquelle chacun trouve son compte : la communauté comme la marque.

   3. Définissez et présentez clairement votre promesse

Quelle est la nature de votre projet ? Quelles DApps cela met-il en jeu ? S’agit-il d’un drop NFT, d’une opération dans un ou plusieurs métavers… ? Et surtout, quel est l’intérêt pour votre communauté (et pour votre marque) d’y participer et, le cas échéant dans le cadre d’un co-actionnariat, de le faire fructifier ? Car dans l’écosystème Web3, créateur et possesseurs sont “co-owners”. De la même manière, le principe de la blockchain est le “consensus” : chaque ordinateur calcule et valide si la demande de minage est conforme… et s’il n’y a pas 51 % de validation, l’encryptage n’est pas autorisé.

   4. Entretenez la flamme autour de votre proposition

Une fois lancé, votre projet ne vous appartient plus : vous ne pourrez pas le débrancher, il continuera à exister dans le temps, même sans vous. Il vous incombe alors de faire le nécessaire pour en soutenir l’intérêt et la valeur dans la durée. Pensez-y dès le départ, et soyez créatifs ! Typiquement on réduit souvent le NFT à l’image (2D, 3D, Gif) à acheter. Mais le NFT, c’est surtout un smartcontract gravé sur la blockchain qui donne droit à des privilèges, accès à des services (DApps)... et il appartient au créateur, avec l’aide de sa communauté, de nourrir dans le temps les bénéfices de détenir ce NFT.

   5. Choisissez bien votre blockchain

Il s’agit là d’un choix déterminant pour votre projet et son avenir. Posez-vous les questions suivantes : quel est son coût d’entrée (gas fee) ? Quelles sont les decentralized applications (DApps) que cela permet d’activer ? Quelle est l’audience potentielle ? Quelles sont les possibilités de monétisation pour vous et pour la communauté ? Quel est son impact environnemental ? Sachant que les chains de deuxième génération (Polygon) sont plus frugales (PoS vs PoW)...

   6. Instaurez un dialogue peer-to-peer

Avec le Web3, oubliez la notion de top-down. Ce n’est pas vous qui contrôlez les choses ni qui donnez des directives à la communauté. C’est la communauté, à laquelle vous vous intégrez, qui se parle à elle-même. Chacun des individus interagit avec les autres d’égal et à égal... vous compris.

   7. Investissez le bon écosystème de communication

On l’a dit : le sentiment d’appartenance à une communauté et le fait d’être acteur du projet sont essentiels. Et le choix des réseaux, comme de la façon de les utiliser pour communiquer et fédérer sont finalement assez codifiés. Optez pour Twitter et Instagram pour le teasing. Puis Discord et Signal pour coopter les membres, les motiver et faire rayonner le projet.

   8. Adaptez votre proposition à la DApp ciblée

Vous investissez un métavers ? Choisissez-le en fonction de qui vous êtes et de ce que vous avez à proposer. Une marque qui lance une expérience dans Fortnite, ou même dans Roblox, va s’orienter vers quelque chose de très ludique, là où l’univers Sandbox peut autoriser des projets plus immersifs. A l’autre bout de la chaîne, des métavers 3D proposant des expériences ultra-réalistes émergent aujourd’hui pour adresser d’autres besoins : shopping, culture, art, éducation... Il y est surtout question de copier la réalité (jumeaux numériques) pour mieux présenter ses produits & services… et in fine les vendre.

   9. Pensez Web3 comme “Web3D” (et staffez-vous en conséquence)

C’est un fait : les métavers sont des univers en 3D. Cela pose la question de la capacité : il va falloir trouver les talents pour créer ces mondes et y produire des expériences. Des profils rares et convoités ! Ainsi, si Nike rachète le studio RTFKT (sneakers 3D) c’est notamment pour se constituer dès maintenant une capacité de production in-house. Par chance la France dispose d’une des scènes les plus créatives et prolifiques en la matière, grâce notamment à son industrie du jeu vidéo, qui a bien compris qu’elle avait là une carte à jouer.

   10. Embrassez un état d’esprit libertaire, altruiste… et non ego-addict

La dynamique sociale qui anime ces nouveaux projets est très différente de celle du Web 2.0, où des individus parfois très égocentrés se mettent en avant sur les grandes plateformes sociales. Dans la « culture » du Web3, ce sont avant tout les projets qui sont mis en avant, animés par des promoteurs bien souvent anonymes ou qui ne cherchent absolument pas la célébrité. Ici, la star, c’est le bien commun. D’ailleurs, il y a souvent une contrepartie “charity” (réversion d’un % des ventes à une association) dans les drops NFT qui marchent.

Vous l’aurez compris, le Web3, c’est un changement de paradigme complet. Un bouleversement de toutes les habitudes. Sa philosophie libertaire, son caractère insaisissable et son obsession du partage de la valeur nous forcent à repenser fondamentalement nos pratiques. Ce qui est sûr, en revanche, c’est que le train du Web3 est lancé et qu’il n’est pas prêt de s'arrêter. Aux marques à présent de le comprendre et de l’investir… sous peine de rester à quai.