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« Madame, Monsieur,
(…) Je vous fais part de mon désintérêt total pour le poste de Chef de Projet à pourvoir dans votre entreprise. (…). Vous trouverez en pièce jointe mon CV, dans lequel je me suis inventé des expériences, ainsi qu’une année sabbatique qui était en fait une année où j’ai vécu en jogging, parce que j’ai fait un burn out carabiné dont je n’arrive pas à me sortir.
La raison pour laquelle je candidate est simple : j’arrive en fin de droits et je n’aurais bientôt plus d’argent, ni d’appartement…»
D'un marché favorable à une situation précaire
C’est ainsi que commençait la lettre de « démotivation » du populaire titre « Bien cordialement », composé en 2022 par l’artiste « The Toxic Avenger » (Yes Future – Enchanté Records).
Au moment où celui-ci est sorti, le taux de chômage chez les Français·es de moins de 25 ans, situé aux alentours de 17% (Insee), était alors historiquement faible. Ces paroles illustraient parfaitement le déséquilibre du rapport de force entre employeur et employé, au profit de ces derniers..
↳ Comprendre les attentes des jeunes
Quelques mois plus tard, nous avons mené une grande étude auprès de 1000 jeunes de 18 à 30 ans sur « la politique RH idéale pour les jeunes français.es. » (Insign/IPSOS) afin de mieux comprendre leurs motivations et leurs critères de choix d’employeur.
↳ Les enseignements clés de la pyramide des valeurs employeur
Celle-ci nous avait permis d’établir notre « pyramide des valeurs employeur » et d’identifier notamment :
Un désintérêt global des jeunes pour les efforts faits par les employeurs en matière d’attractivité
Une focalisation transactionnelle vis-à-vis de leur emploi
Malgré tout, un intérêt pour le sens et le management.
Le retournement du marché de l'emploi jeune
La crise économique a fini par faire remonter le taux de chômage des moins de 25 ans à 19% sur l’année écoulée ; et celui-ci s’oriente probablement pour dépasser les 19,5% durant l’année à venir (Insee). Plusieurs grandes écoles s’apprêtent à prolonger les possibilités de stage pour différer l’arrivée des nouveaux jeunes diplômés sur le marché de l’emploi, et, face aux gains de productivité par l’IA sur des tâches opérationnelles, certaines grandes entreprises challengent déjà l’intérêt des moins expérimentés…
↳ Vers une évolution des exigences ?
Les perceptions et attentes de cette population vont-elles se retourner face à une situation qui risque de devenir tangiblement plus précaire pour elle ? Dans un climat moins favorable pour l’emploi des jeunes, notre « pyramide des valeurs employeur » attendues, aurait-elle la même distribution aujourd’hui ? Les jeunes seraient-ils plus enclins à s’intéresser, tout du moins à feindre de s’intéresser, à ce qu’ont à leur proposer leurs actuels et potentiels employeurs ? Reverraient-ils à la baisse leur attentes sur le « bas de la pyramide » ?
Maintenir le cap sur l'attractivité employeur
Dans un climat de ressenti de rééquilibrage des forces, il serait dès lors tentant pour les employeurs de « sonner la fin de la récréation » et de désinvestir leurs efforts de séduction et d’amélioration de l’expérience collaborateur. Néanmoins, gardons en tête plusieurs réalités qui poussent, évidemment, à maintenir ses efforts pour garantir sa résilience RH sur le long terme :
1/ La pyramide des âges est durablement inversée, nous resterons dans une réalité où les compétences clés resteront rares, encore plus sur des profils « techniques » ;
2/ La baisse structurelle de l’engagement et le quiet quitting restent bien présents dans les entreprises, même pour celles et ceux en poste ;
3/ Un contexte de réduction des effectifs et de climat économique terni a, loin de motiver les restant à conserver leur poste, plutôt des effets néfastes spectaculaires sur leur engagement et leur motivation. Une étude l’a d’ailleurs mesuré, avec des écarts de plus de 15% de leur engagement, liés à une perte de confiance envers leur management ou leurs propres perspectives au sein de l’entreprise. (« Employee engagement: what to expect after layoffs » - Culture Amp Research – 2023)
Dès lors, seuls celles et ceux qui garderont le cap sur leur attractivité et l’expérience collaborateur qu’ils proposent, conserveront un avantage compétitif RH quel que soit le contexte économique.